L'église de Senon baptisée "Le temple de la Raison"

Pascal GROSDIDIER, samedi 19 juillet 2008 - 00:00:00



L'église de Senon baptisée "Le temple de la Raison"




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Photo de Françoise Josette BOSSU






Le temple de la Raison, inscription gravée à l'entrée, sur la face droite de la porte de l'église, créé sous la révolution française en 1793, fut le temple d'une nouvelle religion censée remplacer le christianisme : le culte de l'Être suprême.

La religion centrée sur le culte de la Raison devait rassembler tous les peuples sous la devise de la liberté et de l'égalité afin de revenir aux principes fondamentaux de la république romaine, ce qui signifiait explicitement la fin de toutes les monarchies. Le principal instigateur du culte de la Raison était Robespierre.
Député du tiers état, puis accusateur lors du procès de Louis XVI qui vota pour la mort du roi, chef du Comité de salut public, il crut bon, pour contrer la religion catholique mise à l'index depuis les états généraux, de créer une nouvelle religion, d'où l'idée de reconsacrer l'église sainte Geneviève en temple de la raison. En effet, sainte Geneviève était vénérée pendant la Révolution, car elle avait protégé Paris contre l'invasion des Huns en 451.

De nombreuses églises furent transformées en temples de la Raison. Les églises servirent souvent d'entrepôts.

La loi sur la constitution civile du clergé votée le 12 juillet 1790 par l'Assemblée nationale constituante, devait remplacer le Concordat de 1516. Elle visait à réorganiser en profondeur l'Église de France, transformant les prêtres paroissiaux en « fonctionnaires publics ecclésiastiques ».
Cette constitution introduisit une fracture profonde et durable dans le pays. La loi sur l'abolition des vœux monastiques du 13 février 1790, supprimant 100 000 membres du clergé non rattachés à une paroisse, soit les deux tiers du clergé de cette époque considérés comme non « utiles », fut aussi une cause de cette fracture. Les critères d'« utilité » étaient les sacrements et le soin des âmes.

Les abbayes et couvents étaient destinés à disparaître, puisque, par la loi du 13 février 1790, les vœux monastiques étaient abolis et les ordres réguliers hors éducation et œuvres de charité, « sans charge d'âme », étaient considérés comme « inutiles ».

Le projet de constitution civile du clergé proprement dit, qui fut adopté par la Constituante le 12 juillet 1790, comportait les mesures suivantes :

Les anciennes institutions sont supprimées : les chapitres cathédraux sont supprimés, ainsi que les bénéfices « sans charge d'âme ».
Les diocèses et paroisses sont profondément remaniés, sur la base d'un diocèse par département, et d'une restructuration projetée des paroisses (on passe de 130 diocèses environ à 83). Les diocèses sont regroupés en 10 métropoles (sièges à Paris, Rouen, Reims, Besançon, Lyon, Aix, Toulouse, Bordeaux, Rennes et Bourges,).
Les évêques et les prêtres sont élus par les fidèles, constitués en corps électoraux locaux.
Les évêques s'entourent de vicaires épiscopaux,
Les ecclésiastiques, évêques et curés, étaient rétribués par l'État.
Tous les religieux (évêques, prêtres, moines, moniales) avaient des droits civiques qui les autorisaient à quitter leurs postes ou leurs communautés monastiques.
Dans ce système, le pape n'a plus de place : il n'est en relation avec l'Église de France que par l'intermédiaire d'un évêque nouvellement institué qui lui adresse une lettre en gage d'unité de foi et de communion dans le sein de l'Église catholique.

Avant cette loi, les membres du clergé étaient soumis à la juridiction interne de l'Église catholique romaine, ce qui les astreignait au célibat, et les empêchait de léguer leurs biens à leur famille, d'habiter où bon leur semblait et les soumettaient à des tribunaux spéciaux, les officialités.

D'inspiration gallicane, la constitution civile du clergé souhaitait établir l'indépendance totale (sauf en matière doctrinale) de l'Église de France à l'égard de la papauté. Son organisation se calquait sur l'administration civile, les évêchés correspondant aux 83 départements. En français moderne, la loi aurait pu être appelée loi pour conférer un statut de citoyen aux membres du clergé.

Mgr BURGELIN était opposé au projet avant l'adoption par la Constituante le 12 juillet 1790. Le 22 juillet 1790, le pape Pie VI fit connaître sa position. Le lendemain, Louis XVI, malgré ses scrupules, donna son accord à contre-cœur au projet.

Le décret d'application passa en novembre 1790. Le roi dut le signer le 26 décembre 1790. Le serment devait être prêté 8 jours après, soit le 4 janvier.

Le 4 janvier 1791, les députés du clergé réunis à l'Assemblée durent prêter serment, souvent sous la pression des tribunes. 80 évêques refusèrent le serment. Le 7 janvier, commencèrent les serments dans les provinces. Ils furent échelonnés tous les dimanches de janvier et février 1791, à des dates différentes selon les diocèses. La quasi-totalité des évêques et la moitié des curés les refusèrent.

Les membres du clergé qui n'étaient pas rattachés à une paroisse, considérés comme non « utiles » , furent contraints de prendre une retraite forcée, sauf à choisir de rejoindre les rangs du clergé de paroisse en prêtant serment.

La France fut ainsi divisée en deux clergés : les prêtres constitutionnels, et les prêtres réfractaires.


« Je jure de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution. »

Le pape Pie VI fit connaître sa réponse officielle par les brefs Quod aliquantum du 10 mars 1791, et Caritas du 13 avril 1791. Il s'opposait sur certains points à la Constitution civile du clergé qu'il considérait comme hérétique, sacrilège, et schismatique. Il demandait aux membres du clergé n'ayant pas encore prêté serment de ne pas le faire, et à ceux qui avaient déjà prêté serment, de se rétracter.

Les prêtres ayant été mis dans l'embarras dans la conduite à tenir par rapport au serment, il y eut un schisme au sein de l'Église de France entre prêtres constitutionnels, et prêtres réfractaires, mais aussi rupture entre la Révolution et l'Église catholique.

Ce point fait l'objet de discussions de la part des historiens des religions. En effet, dans un bref en date du 2 avril 1792, Pie VI lui-même écrivit qu'on s'était servi de son nom pour troubler les consciences et semer la discorde en France en fabricant des bulles qui défendaient de prêter serment de fidélité à la patrie. À trois reprises, par décret, l'Inquisiteur général d'Espagne condamna comme faux le bref du 10 mars 1791.

Catégories de prêtres face au serment
Prêtres réfractaires
Ce sont les prêtres qui refusèrent de prêter serment à la Constitution civile du clergé. La quasi-totalité des évêques (sauf cinq) et une grosse moitié des curés furent des prêtres réfractaires.

Prêtres constitutionnels
Ce sont les prêtres qui prêtèrent serment de fidélité à la Constitution civile du clergé. Ils furent aussi appelés « assermentés » ou « jureurs », et plus communément, « intrus ». Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord fut l'un des premiers à appartenir au clergé constitutionnel.

Le premier évêque constitutionnel fut Louis-Alexandre EXPILLY de la POIPE, recteur (curé) de Saint-Martin-des-Champs près de Morlaix, élu député du clergé en août 1788, et qui présida ensuite à l'Assemblée constituante la commission qui a promulgué la constitution civile du clergé. Il fut sacré évêque de Quimper à Paris par Talleyrand, lui-même évêque, en 1790, avant d'être finalement guillotiné le 22 mai 1794.

La proportion de réfractaires était très supérieure dans le haut clergé (évêques) que dans le bas clergé (prêtres et vicaires). Les vicaires étaient statistiquement davantage réfractaires que les prêtres.

Election de nouveaux prêtres
Pour remplacer les prêtres réfractaires, il fallut élire de nouveaux prêtres : 80 évêques furent élus et environ 20 000 prêtres furent remplacés. L''abbé Grégoire, curé et député, qui avait participé à la rédaction du projet de constitution civile du clergé, fut élu évêque constitutionnel, et devint le chef de l'église constitutionnelle de France.

Conséquences de la constitution civile du clergé et du serment

La plupart des prêtres réfractaires prirent le parti de la contre-révolution et les patriotes suspectèrent les ecclésiastiques, engendrant des haines passionnées. De très nombreux catholiques, paysans, artisans ou bourgeois qui avaient soutenu le Tiers état, rejoignirent ainsi l'opposition.

« Decret de l'assemblee national qui supprime les ordres religieux et religieuses. Le mardi 16 février 1790. » Caricature anonoyme de 1790.
« Que ce jour est heureux, mes sœurs. Oui, les doux noms de mère et d'épouse est bien préférable à celui de nonne, il vous rend tous les droits de la nature ainsi qu'à nous. »

Cette question divisa aussi des familles entières. Les prêtres perdaient leur position de médiateur. Les débats agitèrent en profondeur la société française pendant les six premiers mois de 1791, ce qui commença de couper le pays en deux.

Le 29 novembre 1791, un décret exigea des prêtres réfractaires un serment civique, et donna aux administrateurs locaux la possibilité de les déporter de leur domicile en cas de trouble.

Ces questions engendrèrent un mouvement de méfiance profonde dans le peuple, et engendra les guerres liées à la contre-révolution.
Des mesures de déchristianisation se poursuivirent en France en 1793 et 1794, avec le développement du culte de la Raison et de l'Être suprême, et la fermeture des églises catholiques au culte du 31 mai 1793 jusque vers novembre 1794.

Les points positifs des lois de 1790 (hors constitution civile du clergé qui était réservée au culte catholique) furent les mesures de tolérance par rapport aux protestants et aux juifs, accordant à ces derniers la citoyenneté.

Les prêtres réfractaires furent l'objet d'une sévère répression, notamment sous la Terreur, et furent confondus à cette période avec les autres, les prêtres constitutionnels (ou assermentés, ou jureurs).

Dans la Rhénanie occupée par les forces françaises (1793), le mouvement de Sécularisation chasse l'archevêque de Mayence de ses terres. La désacralisation des symboles et des édifices religieux et aristocratiques favorise l'émergence du pouvoir bourgeois dans le Saint Empire.


Le Concordat rétablira en 1802 le culte catholique dans les églises.





Cet article est de Senon d'Antan Meuse
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